Dans la frénésie du rendement et de la productivité qui fixe aujourd’hui les frontières de toutes les stratégies dans les entreprises, le collaborateur semble promis à disparaître ou tout du moins à s’éloigner du siège social.
Les différentes modes d’organisations ‘performantes’ de la Silicon Valey se sont superposées aux nouvelles technologies de l’information et au digital, faisant du collaborateur un outil obsolète, coûteux, et mal adapté au siècle nouveau. D’une certaine manière, le collaborateur ne vit pas dans le temps accéléré de l’économie mondialisée. Non, dépassé, il lui faut prendre en compte le changement, ce qui nécessite un temps d’imprégnation plus long que le temps chronologique. Le sait on, le temps psychique qui permet l’appropriation des nouvelles méthodes ou nouvelles technologies chez les hommes est plus long que celui du projet qui les porte !
« Rendons-le agile voilà tout ! »
Ainsi, pour un certain nombre d’entreprises, susciter ou provoquer l’agilité chez les collaborateurs permet de réveiller des facultés que l’on croyait oubliées depuis longtemps. Pour le dire autrement, au fond de nos bureaux sommeille tranquillement l’agilité. Il n’en fallait pas plus pour promouvoir le télétravail, le flex-office ou les espaces collaboratifs ! En difficulté, le collaborateur ne manquerait pas de s’adapter tout comme l’avait fait avant lui Homo Sapiens lorsqu’il se lança à l’aventure hors de son territoire. Certes, un baby-foot trône ici ou là comme preuve de la prise en compte de l’humain.
Ajoutons, pour parachever la transformation, l’utilisation massive des méthodes et pratiques destinées dans un premier temps à favoriser l’accélération du développement d’applications informatiques, étendue ensuite aux hommes. Au final, ceci n’est-il pas qu’une affaire de reprogrammation ?
Mais, en même temps que s’éparpillent les équipes ‘transformées’, la cohésion sociale disparaît fragilisant l’entreprise. La cohésion sociale est une croyance partagée par les collaborateurs dans la vocation et les valeurs de leur entreprise, c’est une adhésion plus forte qu’un contrat de travail (on a tous un ami, parent, connaissance, licencié et qui dit encore ‘nous’ des mois après son licenciement). La cohésion sociale, c’est aussi ce qui nous permet, collectivement, de surmonter les difficultés lorsqu’elles apparaissent, d’aller plus loin en apportant un supplément d’âme sans que cela fasse l’objet d’une prime, d’exprimer notre besoin d’être avec les autres dans un projet commun.
Bien sûr, demain, l’IA n’aura que faire de la cohésion sociale, et encore moins du temps nécessaire aux hommes pour se transformer, mais avouez que tout ceci manquera singulièrement de sens.
Et le monde de demain, déjà sur notre seuil, est en demande de sens.
J’y reviens… dans l’épisode à venir